« Le 7 décembre 2021, la Cour internationale de Justice a ordonné l’Azerbaïdjan de protéger le patrimoine culturel et religieux arménien. Cependant, il me revient que de nombreuses destructions de biens culturels continuent à se produire dans et autour de la zone du conflit du Haut-Karabakh, zone disputée entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
Dans ce contexte, j’aimerais poser les questions suivantes à Madame la Ministre de la Culture et à Monsieur le Ministre des Affaires étrangères et européennes :
- Madame et Monsieur les Ministres ont-ils pris des mesures, seuls ou en concert avec leurs homologues, afin de faire respecter la Convention de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé et ses deux Protocoles ? Dans la négative, Madame la Ministre et Monsieur le Ministre envisagent-ils réagir à ces développements ?
- Madame et Monsieur les Ministres sont-ils favorables à une mission sur le terrain par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) ?
- Les ministères mènent-ils des actions de sensibilisation à l’égard de la nécessité de protéger le patrimoine culturel en période de conflit ? Dans la négative, est-ce que les ministres estiment opportun de lancer une telle initiative ? »
Answer
- La « protection renforcée » de biens culturels, telle que prévue par le Deuxième Protocole de 1999 de la Convention de La Haye (1954) est gouvernée par une procédure multilatérale clairement définie qui ne prévoit pas d’éventuelles actions unilatérales de la part du Luxembourg. En effet, seul un État partie au Deuxième Protocole (1999) de la Convention de 1954, qui a la juridiction ou le contrôle sur un bien culturel peut soumettre une demande d’octroi de protection renforcée au Comité pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, tel qu’instauré par le Deuxième Protocole. Il revient donc à l’Etat concerné de demander la protection renforcée et à la communauté internationale de décider les mesures à prendre en cas de violation de cette protection internationale selon les dispositions prévues par la Convention de La Haye et ses deux protocoles. Le Luxembourg ne fait pas partie des douze États qui composent le Comité pour la protection des biens culturels, mais suit ses travaux en tant qu’observateur et État partie de la Convention et de ses protocoles. Notons que parmi les 17 biens inscrits actuellement sur la liste des biens culturels sous protection renforcée figurent le Monastère de Gherart et la Haute vallée de l’Azat pour l’Arménie, et la Cité fortifiée de Bakou avec le palais de the Shirvanshah et la Tour de la Vierge et Site archéologique de Gobustan pour l’Azerbaïdjan
- L’UNESCO a proposé d’effectuer une mission d’expertise indépendante sur le terrain pour dresser un inventaire préliminaire des biens culturels les plus significatifs, comme préalable à une protection effective du patrimoine de la région. Les États membres du Comité pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé ont salué cette initiative et confirmé le besoin d’une mission d’évaluation de la situation des biens culturels dans et autour du Haut-Karabakh. L’UNESCO a effectué des propositions et mené des consultations approfondies afin de mettre en place cette mission qui, dans le cadre de la Convention, requiert l’accord des parties.
- Le Luxembourg est engagé de plusieurs façons dans la protection du patrimoine culturel en période de conflit, y compris en termes de sensibilisation, cela aussi bien à travers les textes normatifs et l’appui à l’adoption de conclusions et résolutions y relatives au niveau multilatéral (p.ex. Conclusion du Conseil de l’Union européenne du 21 juin 2021 sur l’approche de l’UE à l’égard du patrimoine culturel en période de conflit et de crise ; Résolution n°2347 (2017) du Conseil de sécurité des Nations Unies ; Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société etc.) qu’au niveau de la législation nationale (p.ex. dispositions dans la loi sur le patrimoine du 25 février 2022 relatives au trafic illicite de biens culturels qui est souvent corolaire aux conflits) et d’organismes spécialisés (Unesco, Aliph, Iccrom etc.). Le Luxembourg fait en outre partie du groupe de travail à composition non limitée d’États parties à la Convention du patrimoine mondial en conformité avec la Décision 44 COM 8 et portant réflexion sur les sites associés aux mémoires de conflits récents et à d’autres mémoires négatives. Le groupe de travail est appelé à soumettre au Comité du patrimoine mondial des propositions de recommandations sur les questions techniques : Valeur universelle exceptionnelle, authenticité en conformité avec le critère (vi) de la Convention du patrimoine mondial, ainsi que sur les moyens de gérer les tensions potentielles. Ce groupe de travail a été institué en décembre 2021 suite à la 44e session élargie du Comité du patrimoine mondial.