Le parlement polonais a adopté le 13 janvier 2022 une loi visant à étendre le contrôle du gouvernement sur l’éducation nationale. Cette loi restreint l’accès aux écoles à des ONG dont les messages sont conformes à l’idéologie nationale conservatrice du parti PiS, en sorte de permettre au gouvernement d’écarter les associations promouvant les droits des personnes LGBTIQ ainsi que toute autre forme d’éducation à la sexualité. Ces restrictions constituent une attaque sur les valeurs de l’Union européenne.
Dans ce contexte, j’aimerais poser les questions suivantes à Monsieur le Ministre des Affaires étrangères et européennes :
- Monsieur le Ministre estime-t-il que les actions récentes du gouvernement polonais constituent de fait une atteinte aux valeurs de l’Union européenne telles qu’énoncées à l’article 2 du traité de Lisbonne et dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ?
- Est-ce que le ministère des Affaires étrangères et européennes a pris des mesures afin de s’opposer aux violences du gouvernement polonais contre l’État de droit et les valeurs européennes ? Dans l’affirmative, de quelles mesures s’agit-il ?
- Monsieur le Ministre considère-t-il dans ce contexte qu’un recours des États membres de l’Union européenne aux mécanismes européens de protection de l’État de droit s’impose ?
Reply:
Le 13 janvier 2022, le Parlement polonais a adopté un projet de loi qui vise à renforcer le contrôle des cours dispensés à l’école. Le projet de loi a été adopté avec 227 voix pour et 214 contre, et va désormais être soumis au Sénat. Cette loi pourrait restreindre l’accès aux écoles à des ONG indépendantes, dont les associations promouvant les droits des personnes LGBTIQ.
Vu les modifications législatives des dernières années et leurs effets cumulés sur l’indépendance judiciaire et l’état de droit en général, la Pologne a fait jusqu’à présent l’objet de 5 auditions au Conseil sur base de l’article 7.1 du Traité sur l’Union européenne (TUE), à savoir le 26 juin 2018, le 18 septembre 2018, le 11 décembre 2018, le 22 juin 2021, et tout récemment le 22 février 2022. Lors de ces auditions, mais également dans le cadre du dialogue annuel sur l’état de droit, la délégation luxembourgeoise a soutenu – à titre national ou dans le cadre d’interventions conjointes avec ses partenaires du Benelux – la Commission dans son rôle de gardienne des Traités, et demandé des précisions à la délégation polonaise au sujet de son intention de respecter les principes énoncés à l’article 2 TUE.
Le Luxembourg continuera de plaider en faveur de l’utilisation de tous les mécanismes à disposition de l’Union, y inclus le cas échéant le lancement de procédures d’infraction par la Commission européenne, pour faire respecter les valeurs de l’UE.
Le Luxembourg est aussi intervenu en soutien du Conseil et du Parlement dans l’affaire C-157/21 devant la Cour de justice de l’UE, portant sur le Règlement (UE, Euratom) 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union. La Cour vient de confirmer dans son arrêt du 16 février 2022 que ce mécanisme a été adopté sur une base juridique adéquate, est compatible avec la procédure prévue à l’article 7 TUE et respecte en particulier les limites des compétences attribuées à l’Union ainsi que le principe de sécurité juridique. Suite à l’arrêt de la Cour, le Luxembourg – ensemble avec ses partenaires du Benelux – a demandé à la Commission européenne de faire usage de ce mécanisme dès que possible et pour tous les cas relevant de son champ d’application.