« Dans un souci d’étendre considérablement le diagnostic précoce du cancer du sein, la Commission européenne a recommandé, ce mardi dernier, une baisse de l’âge de dépistage du cancer du sein. La Commission européenne préconise notamment d’abaisser à 45 ans le début du dépistage du cancer du sein, contre 50 ans actuellement. En outre, le recours à l’imagerie par résonance (« IRM ») est également recommandé pour les femmes ayant une densité mammaire élevée.
Au Luxembourg, le programme de mammographie (« PM ») prévoit un dépistage pour les groupes d’âge entre 50 et 70 ans. Les personnes souhaitant prendre un rendez-vous en dehors du PM et hors cas d’urgence, font face à des délais allant jusqu’à un an, pour la prise de rendez-vous.
Dans ce contexte, j’aimerais poser les questions suivantes à Madame la Ministre de la Santé :
- Suite aux annonces de la Commission européenne, est-ce que l’âge de dépistage du cancer de sein sera adapté au Luxembourg ?
- Madame la Ministre, prévoit-elle suivre les autres recommandations de la Commission européenne ?
- Dans la négative, sur quels motifs cette décision est-elle fondée?
- Combien d’installations pour effectuer des mammographies existaient au Luxembourg par hôpital les cinq années dernières jusqu’à ce jour ? D’autres appareils sont-ils prévus d’être installés ?
- Quelle était la moyenne du temps d’attente par hôpital pour obtenir un rendez-vous pour une mammographie au cours des cinq dernières années ?
- Quelles démarches sont faites pour améliorer les délais pour la prise de rendez-vous de mammographies dans toutes les régions du pays ? »
Äntwert
1.Suite aux annonces de la Commission européenne, est-ce que l’âge de dépistage du cancer de sein sera adapté au Luxembourg ?
Selon les récentes recommandations de l’European Commission Initiative on Breast Cancer (ECIBC), le groupe cible pour le dépistage du cancer du sein se situerait entre 45 et 74 ans. Au Luxembourg, selon les dernières recommandations du Conseil Scientifique – Domaine de la Santé[1], le groupe cible se situe entre 50 et 70 ans et dans le cadre de risque « standard » de cancer du sein, celui-ci estime qu’il n’y a pas lieu de réaliser un dépistage par imagerie en dehors de la tranche d’âge de 50-69 ans. Suite à la publication des recommandations de l’ECIBC, le ministère de la Santé a cependant sollicité un avis du Conseil Scientifique – Domaine de la Santé sur un éventuel élargissement de l’âge pour le dépistage du cancer du sein à partir de 45 ans et jusqu’à 74. Une fois que celui-ci sera rendu disponible, le ministère de la Santé se positionnera en concertation avec les acteurs concernés sur la question.
2.Madame la Ministre, prévoit-elle suivre les autres recommandations de la Commission européenne ?
Les autres recommandations émises par la Commission européenne sont multiples et sont pour certaines déjà transposées dans le Programme mammographie. Ces recommandations concernent notamment:
- L’organisation du programme de screening du cancer du sein et en particulier l’usage de la double lecture des mammographies.
Il est à noter que cette méthode est déjà appliquée au Luxembourg depuis le début du programme mammographie en 1992. Par ailleurs, la Commission européenne requiert entre 3.500 et 11.000 mammographies pour que les radiologues puissent bénéficier d’un agrément. Au Luxembourg, dans le cadre du programme mammographie, depuis 2012, les radiologues premiers lecteurs agréés interprètent au minimum 1.000 mammographies/an, en prenant en considération l’approche par équipe. Le total des lectures doit atteindre une moyenne de 1.000 par radiologue, avec un total correspondant au nombre de premiers lecteurs dans l’équipe. Un seuil raisonnable de
800 mammographies par an est accepté. Notons qu’un nombre variable de mammographies est également interprété en dehors du programme.
Les deux radiologues seconds lecteurs rattachées à la Direction de la Santé interprètent entre 7.000 et 10.000 mammographies annuelles. En 2021, deux radiologues externes ont apporté leur aide en interprétant respectivement 815 et 1007 dossiers.
- La formation du personnel en termes de communication.
Les ATM de radiologie agréés pour le programme mammographie suivent chaque année deux heures de formation au Centre de Coordination des Programmes de Dépistage des Cancers. Ces formations abordent des éléments techniques spécifiques à la mammographie, mais aussi les informations à délivrer aux participantes. De plus, une session dédiée à l’ensemble des ATM est organisée annuellement sur un thème spécifique (ex : visite du LNS, tomosynthèse, hypnose conversationnelle…)
- Une évaluation des besoins en termes de communication.
Les questions les plus fréquemment posées par les femmes au standard du Centre de coordination sont prises en considération pour ajuster les informations délivrées sur le site www.sante.lu ainsi que dans les brochures d’information destinées au public. La campagne 2022 réalisée dans le cadre d’Octobre rose fera l’objet d’une évaluation avec le Service communication du ministère de la Santé et de la Direction de la santé.
- L’utilisation de l’Intelligence artificielle.
Une utilisation est envisagée dans le cadre du Programme mammographie, cette option faisant actuellement l’objet d’une étude au sein de la Direction de la Santé (définition, objectifs, risques, aspects légaux).
- Utilisation de la tomosynthèse.
Les mammographes actuellement utilisés au Luxembourg doivent être remplacés courant 2023 pour implémenter la tomosynthèse mammaire. L’utilisation de cette technique est envisagée dans le cadre du programme mammographie, ceci faisant l’objet d’une étude actuellement en cours à la Direction de la santé (objectifs, justification, risques, aspects légaux), en application de la loi du 28 mai 2019 relative à la protection sanitaire des personnes contre les dangers résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants et à la sécurité des sources de rayonnements ionisants contre les actes de malveillance.
- Prise en charge des femmes dont les seins présentent une densité mammaire élevée.
La densité mammaire mesurée par mammographie correspond au pourcentage de tissu dense dans le sein, composé également de tissu adipeux et d’eau. Cette densité varie avec l’âge. Les seins denses présentent la particularité de présenter une forte proportion d’un
tissu mammaire dense, ce qui rend difficile la recherche d’une lésion tumorale, masquée par ce tissu. Cette haute densité constitue également un faible sur-risque de cancer du sein.
En raison de cet effet masquant, les experts en imagerie mammaire (European society of Breast Imaging) conseillent de compléter la mammographie par une technique complémentaire (échographie, tomosynthèse, voire IRM) alors que la Commission ne le recommande pas. En effet, une faible augmentation de la détection de cas de cancers du sein est attendue, mais au prix de mise en évidence de nombreuses lésions bénignes qui peuvent inquiéter inutilement (nécessité de biopsies). A ce sujet, la balance bénéfice/risque est toujours en discussion.
Au Luxembourg, le Programme mammographie recommande une échographie complémentaire pour les participantes dont les seins sont denses, mais l’impact de cette mesure n’a pas fait l’objet d’une évaluation récente.
- Invitation des femmes de 50 à 69 ans
Il est recommandé d’émettre une invitation par courrier postal avec différentes méthodes, au choix de l’institution responsable du screening (signature du médecin traitant, rendez-vous préfixé, rappel téléphonique, relance écrite, SMS…)
Dans le cadre du Programme mammographie, les femmes sont invitées personnellement par courrier postal et prennent le rendez-vous au moment et dans le centre de leur choix. En cas de non-participation, une relance est envoyée quatre mois plus tard. Le courrier est disponible en cinq langues (LU, FR, ALL, PT, EN) et le standard téléphonique du Centre de Coordination est accessible tous les jours ouvrables pour toute question concernant le programme.
3.Combien d’installations pour effectuer des mammographies existaient au Luxembourg par hôpital les cinq années dernières jusqu’à ce jour ? D’autres appareils sont-ils prévus d’être installés ?
Depuis 2012, 7 appareils de mammographie sont installés au Luxembourg, dont deux au CHL, deux aux HRS, un au CHdN et deux au CHEM.
Une procédure de marché public est en cours pour l’achat de 8 nouveaux appareils de mammographie avec tomosynthèse (deux appareils par établissement). Chaque site sera doté d’un équipement de biopsie.
4. Quelle était la moyenne du temps d’attente par hôpital pour obtenir un rendez-vous pour une mammographie au cours des cinq dernières années ?
Les délais de rendez-vous sont enregistrés depuis 2020. Jusqu’à présent, l’information sur les délais est obtenue en demandant aux secrétariats des centres hospitalier la date des trois premiers rendez-vous disponibles selon quatre critères, à savoir s’il s’agit :
- d’une mammographie dans le cadre du programme mammographie (ci-dessous mammo PM) ;
- d’un bilan suite à une mammographie positive du programme mammographie (ci-dessous bilan de mammo PM) ;
- d’une mammographie hors programme mammographie (ci-dessous mammo/écho hors PM) :
- d’un mammographie de diagnostic urgente en dehors du programme mammographie (ci-dessous mammo de diagnostic en urgence hors PM). Soulignons que tout rendez-vous urgent est pris en charge par le radiologue sur appel du médecin demandeur.
Les données disponibles se présentent comme suit :
5. Quelles démarches sont faites pour améliorer les délais pour la prise de rendez-vous de mammographies dans toutes les régions du pays ?
Les délais de rendez-vous sont variables d’un établissement hospitalier à un autre. De façon générale, les délais pour les rendez-vous programmés pour le dépistage du cancer via le Programme mammographie sont plus courts. Il est recommandé pour les femmes à risque standard de participer préférentiellement à ce programme, afin de libérer les consultations pour les femmes à risque élevé de cancer du sein, pour les femmes asymptomatiques et les femmes ayant présenté un cancer du sein, qui doivent être suivies de façon spécifique.
Etant donné cependant qu’on constate que les délais pour obtenir une mammographie en dehors du Programme mammographie ne se sont pas améliorés durant les six derniers mois, il a été convenu de mettre en place un groupe de travail entre les quatre centres hospitaliers, le ministère et la Direction de la santé afin d’étudier les pistes qui pourraient contribuer à une réduction des temps d’attente hors programme mammographie. Il s’agira notamment de permettre aux médecins demandeurs de se mettre en contact direct avec le service de radiologie en cas d’examen urgent à réaliser.
[1] Recommandations du Conseil scientifique : https://conseil-scientifique.public.lu/dam-assets/publications/oncologie/referentiel-depistage-cancer-sein-en-fonction-du-risque.pdf