Question
« Le 20 Juillet 2018 a été voté la loi autorisant l’utilisation du Cannabis à des fins médicinales au Grand-Duché de Luxembourg. Le règlement Grand-Ducal du 21 août 2018 fixe les modalités d’usage, en particulier la limitation aux patients atteints de maladies graves, en phase avancée ou terminale, entraînant des douleurs chroniques, de maladies cancéreuses traitées par une chimiothérapie induisant des nausées ou vomissements ou de sclérose en plaques avec spasticité musculaire symptomatique.
Plusieurs points du règlement Grand-Ducal ont donné lieux à des critiques depuis sa mise en place : délivrance du cannabis réservée exclusivement aux pharmacies hospitalières donc acquisition difficile pour les patients âgés et/ou à mobilité réduite, frais d’achat de vaporisateurs non remboursés donc investissement non négligeable pour de nombreux patients et limitation trop restrictive d’autorisation de prescription.
Concernant le dernier point, de nombreuses études récentes montrent que le cannabis peut être efficace pour le traitement de beaucoup d’autres pathologies graves p.ex. syndrome de Lennox-Gastaut et syndrome de Dravet[1], maladies de Parkinson et d’Alzheimer[2], maladie de Crohn[3], fibromylagie[4], certains états psychotiques[5].
Dans ce contexte, nous aimerions poser les questions suivantes à Madame la Ministre de la Santé et à Monsieur le Ministre de la Sécurité sociale :
- En réponse à la question parlementaire n°4349, Madame la Ministre avait indiqué que des discussions étaient en cours avec le Syndicat des pharmaciens en ce qui concerne la délivrance sur prescription du cannabis médical par toutes les pharmacies. Où en sont ces discussions ?
- Est-ce que le gouvernement maintient son refus de rembourser les frais d’acquisition de vaporisateurs. Dans l’affirmative, quelles en sont les raisons?
- À la vue des progrès scientifiques récents, quelle est la position du gouvernement concernant l’élargissement de l’utilisation du cannabis pour le traitement de maladies supplémentaires par rapport à celles initialement retenues? »
[1] García-Peñas JJ et al. Cannabidiol for the treatment of Lennox-Gastaut syndrome and Dravet syndrome: experts’ recommendations for its use in clinical practice in Spain. Rev Neurol. 2021 Sep 10;73(S01):S1-S8.
[2] Verma R et al. Cannabis, a Miracle Drug with Polyvalent Therapeutic Utility: Preclinical and Clinical-Based Evidence. Med Cannabis Cannabinoids. 2021 May 21;4(1):43-60.
[3] Naftali T. An overview of cannabis based treatment in Crohn’s disease. Expert Rev Gastroenterol Hepatol. 2020 Apr;14(4):253-257.
[4] Berger AA. Cannabis and cannabidiol (CBD) for the treatment of fibromyalgia. Best Pract Res Clin Anaesthesiol. 2020 Sep;34(3):617-631.
[5] Khan R et al. The therapeutic role of Cannabidiol in mental health: a systematic review. J Cannabis Res. 2020 Jan 2;2(1):2.
Answer
En réponse à la question parlementaire n°4349, Madame la Ministre avait indiqué que des discussions étaient en cours avec le Syndicat des pharmaciens en ce qui concerne la délivrance sur prescription du cannabis médical par toutes les pharmacies. Où en sont ces discussions ?
Fin 2020, un questionnaire élaboré par la Division de la pharmacie et des médicaments de la Direction de la Santé a été envoyé aux pharmacies d’officine du Grand-Duché pour sonder la volonté ainsi que la faisabilité d’une future dispensation du cannabis en officine de ville. D’après cette enquête, la majorité des officines sont favorables à la dispensation de cannabis médicinal dans leurs locaux. Des discussions avec le Syndicat des pharmaciens (SPL) s’en sont suivies en janvier 2021. Cependant, il avait été retenu à l’époque d’attendre les conclusions du rapport d’évaluation sur le cannabis médicinal sur ce point. Le rapport en question, soumis à la ministre de la Santé au printemps 2022, en est venu à la conclusion que considérant le nombre de patients et de dispensations de cannabis médicinal en croissance permanente, la délivrance du cannabis en officine de ville devrait être considérée, afin de soulager les quatre pharmacies hospitalières du pays qui sont actuellement les seules à pouvoir délivrer légalement du cannabis médicinal. Des réflexions dans ce sens sont actuellement en cours. Il s’agit cependant de noter que l’éventuelle délivrance de cannabis médicinal en pharmacie de ville nécessitera au préalable une modification de la législation. Cela entraînera par ailleurs également l’organisation de toutes une série de modalités pratiques, notamment la mise en place d’une formation spécifique des pharmaciens d’officine.
Est-ce que le gouvernement maintient son refus de rembourser les frais d’acquisition de vaporisateurs. Dans l’affirmative, quelles en sont les raisons?
Tout d’abord il y a lieu de préciser qu’en application de l’article 21 du Code de la Sécurité sociale (CSS), les décisions portant sur le remboursement par l’assurance maladie-maternité revient au conseil d’administration (à composition tripartite) de la Caisse nationale de santé (CNS) pour autant que le remboursement n’est pas directement déterminé par des dispositions législatives ou réglementaires. Ainsi, l’article 21 du CSS prévoit que « La prise en charge des actes, services et fournitures se fait suivant les conditions, modalités et taux déterminés par les statuts. » et l’article 45, alinéa 3, point 6), du même Code définit la fixation des statuts comme attribution du conseil d’administration.
En ce qui concerne plus précisément la question de la prise en charge par l’assurance maladie du cannabis a usage médicinal ainsi que l’acquisition de vaporisateurs pour son administration, cette prise en charge ne peut avoir lieu que s’il s’agit d’un médicament pour lequel a été émise une autorisation de mise sur le marché et qui figure sur la liste positive des médicaments.
En effet, les dispositions de l’article 22, paragraphe premier, du Code de la sécurité sociale prévoient que : « (1) La prise en charge des médicaments dispensés dans les pharmacies ouvertes au public et dans le cadre de la délivrance hospitalière se fait selon une liste positive à publier au Mémorial. […] Ne peuvent être inscrits sur la liste positive que des médicaments disposant d’une autorisation de mise sur le marché, d’un prix au public et pour lesquels le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché a introduit une demande auprès de la Caisse nationale de santé en vue de l’inscription du médicament sur la liste positive. »
Les produits actuellement disponibles ne disposent pas d’une autorisation de mise sur le marché parce qu’ils n‘ont pas les composants nécessaires pour être considérés comme médicament.
Il s’ensuit que faute d’autorisation de mise sur le marché pour les produits visés, les vaporisateurs nécessaires pour l’utilisation du cannabis à usage médicinal ne peuvent pas non plus être pris en charge par l’assurance maladie.
À la vue des progrès scientifiques récents, quelle est la position du gouvernement concernant l’élargissement de l’utilisation du cannabis pour le traitement de maladies supplémentaires par rapport à celles initialement retenues? »
L’utilisation du cannabis médicinal vient d’être élargie récemment. En effet, le règlement grand-ducal du 29 avril 2022 modifiant le règlement grand-ducal du 21 août 2018 déterminant les modalités de prescription et d’accès à l’usage de cannabis à des fins médicales, ainsi que le contenu et la durée de la formation spéciale pour les médecins, la prescription du cannabis médicinal est réservée aux patients souffrant de :
– pathologies chroniques graves qualifiées d’affections de longue durée visées à l’article 19bis, alinéa 1er, du Code de la sécurité sociale, en phase avancée ou terminale, entraînant des douleurs chroniques sévères et invalidantes n’ayant pas répondu aux traitements médicamenteux ou non disponibles ;
– maladies cancéreuses, autres que celles visées au premier tiret, traitées par une chimiothérapie induisant des nausées ou des vomissements;
– sclérose en plaque accompagnée de la spasticité musculaire symptomatique.
Le Gouvernement ne s’oppose pas à un élargissement de l’utilisation du cannabis médicinal à d’autres indications thérapeutiques à condition que celles-ci soient scientifiquement fondées.