« La hausse rapide des températures et le manque de précipitations depuis le début du mois de mai préoccupent le secteur agricole. En effet, les conditions météorologiques des prochaines semaines joueront un rôle décisif dans la récolte de cette année.
L’observatoire Céré’Obs fournit des chiffres précis sur l’état des céréales cultivées sur le territoire français. Ainsi, 89% des cultures de blé tendre sont dans un bon ou très bon état par rapport à 79% en 2021 à la même période. Pour le blé dur ce taux est de 83% en 2022 contre 69% en 2021. Il est important de noter que ces données de terrain ont été publiées avant la forte hausse des températures.
L’État français a rapidement répondu aux préoccupations des agriculteurs sous la forme d’un état des lieux, qui met en évidence les risques de tension hydraulique et de sécheresse, entre autres. Ainsi, le ministère de l’agriculture chiffre à 20% le déficit de recharge des nappes phréatiques en France entre septembre et mars 2022. Le Gouvernement français est par ailleurs parfaitement conscient que cela aura un impact négatif sur la production de céréales et accorde donc une aide financière pour soutenir les agriculteurs face au changement climatique. Le guichet de soutien créé en avril pour aider les agriculteurs pour soutenir les agriculteurs à faire face au changement climatique va être augmenté de 20 millions supplémentaires, soit un doublement du budget initial.
Dans ce contexte, j‘aimerais poser les questions suivantes à Monsieur le Ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural et à Madame la Ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable :
- Est-ce que Monsieur le Ministre partage l‘avis du Gouvernement français selon lequel la situation climatique actuelle aura un effet négatif sur les récoltes de cette année ?
- Alors que les conditions météorologiques extrêmes vont impacter de plus en plus les récoltes, le ministère prévoit-il des aides spécifiques à l’image du guichet de soutien français pour soutenir les agriculteurs à faire face au changement climatique ?
- Quel est le niveau actuel de recharge des nappes phréatiques au Luxembourg ? Y a-t-il une inquiétude quant au fait que nous soyons confrontés à un déficit en eau en raison des conditions climatiques ? »
Réponse
Est-ce que Monsieur le Ministre partage l’avis du Gouvernement français selon lequel la situation climatique actuelle aura un effet négatif sur les récoltes de cette année?
J’invite l’honorable Député à consulter le bulletin météorologique très détaillé du printemps 2022 d’Agrimeteo, le service météorologique de l’Administration des services techniques de l’agriculture (ASTA) https://agriculture.public.lu/de/actualites/2022/juni-2022/bilan-meteo-printemps-2022.html. Pour compléter ce bulletin, il convient de préciser que depuis le premier juin jusqu’à la date d’aujourd’hui (16.6.2022) les précipitations du début du mois de juin (source : stations météorologiques de l’ASTA) allant de 22,4 mm à Remich jusqu’à 31,1 mm à Merl, en passant par 28,19 mm à Clemency et 29,56 à Asselborn, ont légèrement amélioré la situation pour les céréales d’hiver. Par contre, les céréales de printemps restent fortement marquées par la sécheresse et la situation demeure critique. La vague de chaleur de mi-juin risque d’aggraver davantage l’impact de la chaleur sur les cultures agricoles et horticoles. En ce moment, il est cependant encore trop tôt pour faire des estimations exactes concernant les rendements et le bilan de la sécheresse printannière.
En viticulture, uniquement les jeunes plantes nécessiteront une irrigation s’il n’y aura pas suffisamment de précipitations en été.
Alors que les conditions météorologiques extrêmes vont impacter de plus en plus les récoltes, le ministère prévoit-il des aides spécifiques à l’image du guichet de soutien français pour soutenir les agriculteurs à faire face au changement climatique?
Le Ministère de l’Agriculture aide les agriculteurs frappés par la sécheresse en subventionnant les primes des contrats d’assurances spécifiques contre la sécheresse et recommande au secteur de s’assurer. Sont ainsi à disposition des exploitations agricoles :
- Une assurance contre les pertes de récoltes subies suite, entre autres, à la sécheresse sur les prairies et pâturages à raison de 65%. Les entreprises agricoles qui ont souscrit à cette assurance ont droit à une compensation de leurs pertes en cas de sécheresse. Cette assurance est indexée et calculée sur base des données météorologiques mesurées par les différentes stations météo du service météorologique de l’ASTA. Pour l’instant il est encore trop tôt pour établir des prévisions et il faudra attendre comment évolue la pluviométrie les prochaines semaines. Une première évaluation de la pluviométrie peut être faite au plus tôt fin juin. A titre d’exemple, en 2021, le ministère a payé 1,2 mio euros à 200 exploitations.
- Une assurance contre les pertes de récoltes subies suite, entre autres, à la sécheresse, pour les cultures de céréales, maïs, betteraves, colza, légumineuses et pommes de terres, à raison de 65%. L’évaluation des pertes de récolte pour ces cultures sera faite au cours de la période de végétation respectivement après la fin de la récolte. A titre d’exemple, en 2021, le ministère a payé 2,0 mio euros à 785 exploitations.
Le bilan provisoire des contrats de ce régime d’assurance signés pour l’année en cours montre une légère augmentation dans le secteur des céréales et des prairies et pâtures. Dans le contexte actuel de la flambée des prix de vente des céréales, la valeur de la production assurée par un contrat sécheresse a augmenté d’environ 13% et couvre 38% de la surface des céréales et oléagineux.
A ce stade, il est trop tôt pour déterminer les effets définitifs de la sécheresse prononcée jusqu’au mois de mai, la situation est suivie de très près. Un régime d’aide supplémentaire au soutien du système d’assurances n’est pas prévu.
Des informations supplémentaires sur l’assurance sont disponibles sur notre site web :
Quel est le niveau actuel de recharge des nappes phréatiques au Luxembourg? Y a-t-il une inquiétude quant au fait que nous soyons confrontés à un déficit en eau en raison des conditions climatiques?
Notons que la période de recharge de l’eau souterraine a lieu pendant la période hivernale (octobre à avril) et que des précipitations en été ne contribuent pas à cette recharge. Le début de la période de recharge de l’année hydrologique 2021/2022 se présentait plus sec que la moyenne, de sorte que ce n’est qu’à partir de janvier 2022 qu’on a eu une situation normale avec la saturation d’eau des sols. Les recharges mensuelles d’octobre à décembre 2021 étaient déficitaires et celles de janvier à mars 2022 peuvent être qualifiées tout au plus comme proches de la normale. La recharge des eaux souterraines a dès lors connu (tout comme l’année précédente) un certain retard.
La situation actuelle (du point de vue de la recharge) s’avère moins favorable que celle de l’année passée et les manques de précipitation d’avril et de mai 2022 n’ont pas amélioré la situation. En fin de compte, la recharge cumulée connaît un déficit total calculé de près de 30% fin mai 2022. Toutefois, l’état quantitatif général des eaux souterraines ne se situe pas à un niveau préoccupant. Suivant les prévisions disponibles, une stabilisation des niveaux d’eau souterraine est à attendre à court terme. Un déficit significatif au niveau de la recharge pendant la prochaine période hivernale entraînerait cependant très probablement une diminution de l’état quantitatif. Ceci notamment au niveau de la principale ressource d’eau souterraine qui est constituée par les couches géologiques du Grès de Luxembourg.
Des températures élevées en été entraîneront bien sûr une augmentation de la consommation en eau potable. Cependant, l’état quantitatif général des eaux souterraines se situe actuellement sur un niveau général satisfaisant et les ressources sont en général suffisantes pour les besoins de la production d’eau potable des mois à venir. En raison de la forte croissance économique et démographique lors des dernières années, les infrastructures d’eau potable au niveau communal ne sont cependant pas toujours adaptées à la forte demande en eau potable pendant les périodes de consommation de pointe. Pour atténuer cet effet et pour éviter au maximum que les communes soient contraintes de déclarer des phases orange voire rouge, la population est sensibilisée d’économiser l’eau potable pendant les mois d’été et de façon générale. Une telle phase de sensibilisation a notamment été adressée en date du 16 juin 2022 par le Ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable ainsi que par l’Administration de la gestion de l’eau, dans laquelle les communes et la population ont été appelées à ne pas gaspiller l’eau du robinet et à limiter les consommations aux besoins les plus essentiels.