Quand y aura-t-il une solution digitale uniforme pour le système de santé publique au Luxembourg ?

Avec l'application santé, le Réseau Santé Numérique en collaboration avec l'AMMD a développé une application qui permettrait au patient d'effectuer numériquement toutes ses démarches médicales. Malgré un accord politique, cette application ne serait-elle utilisée que de manière conditionnelle et limitée ? Pourquoi l'application n'est-elle pas utilisée et quand y aura-t-il des solutions uniformes dans ce fichier ? Nos adjoints Carole Hartmann, Gilles Baum et Gusty Graas se sont inscrits.

« Actuellement, la durée d’attente pour les remboursements de factures médicales auprès de la Caisse nationale de santé (ci-après « CNS ») est de plusieurs semaines. En 2021, et afin de remédier à cette situation, le remboursement accéléré fût introduit, permettant une démarche digitale.

Il existe au Luxembourg à ce stade deux applications de santé, notamment celle de la CNS et la ‘GesondheetsApp’, à la base desquelles se trouve un système universel, élaboré en coopération avec l’Association de Médecins et Médecins Dentistes (ci-après « AMMD »). Le but de la digitalisation des procédures est notamment la mise en œuvre d’une solution d’échange de documents et d’informations, et la concentration virtuelle des démarches afin d’atteindre un meilleur service au patient.

Une interview avec un membre de l’AMMD par RTL le 10 août dernier, et notamment un reportage du 30 août renvoient à des problèmes en cette matière. Selon des membres de l’AMMD, leur application plus élaborée et complète aurait été développée par le Digital Health Network (ci-après « DHN ») sur base d’un accord politique.

Dans ce contexte, nous aimerions poser les questions suivantes à Madame la Ministre de la Santé et à Monsieur le Ministre de la Sécurité sociale :

  • Est-ce que Madame et Monsieur les Ministres sont au courant de l’envergure de l’application développée par l’AMMD ?
  • Quelles sont les raisons pour lesquelles cette application dite ‘fonctionnelle’ n’est pas utilisée actuellement ?
  • Est-ce qu’un accord politique pour le développement de cette application a été trouvé avec l’AMMD ?
  • Pour quelles raisons, les fonctionnalités des applications existantes ont-elles été limitées ?
  • Qu’en est-il de l’interdépendance des applications existantes ?
  • Quand une solution entièrement digitale sera accessible au grand public ?
  • Est-ce qu’une promotion des applications est prévue pour contrer le chiffre limité d’utilisateurs ?
  • Lors d’une interview dans le « Tageblatt » du 15 septembre dernier, le président de la CNS a affirmé travailler à des solutions digitales prometteuses. Quelles entités sont impliquées dans le développement de ces solutions ? Quelle est la plus-value de l’application développée par la société DHN ? »

Réponse

1) Est-ce que Madame et Monsieur les Ministres sont au courant de l’envergure de l’application développée par l’AMMD ?

La digitalisation des services des institutions de sécurité sociale, dont l’objectif ultime est une simplification des démarches et un accès facilité aux prestations pour les assurés, dont notamment celles de l’assurance maladie, est une priorité dans le domaine de la sécurité sociale.

Dans ce contexte, des échanges ont eu lieu avec différents acteurs, dont l’Association des médecins et médecins-dentistes a.s.b.l. (AMMD) qui a créé la société commerciale Digital Health Networks s.à r.l (DHN) pour proposer elle-même une solution digitale. Il ne s’agit donc pas d’un développement réalisé par l’AMMD, mais d’une solution digitale développée par DHN s.à r.l. .

Nonobstant ce fait, le potentiel technique des services offerts et à offrir par DHN a été exposé aux ministres et aux services concernés.

Cependant, l’analyse détaillée de l’envergure de l’application « GesondheetsApp », et plus globalement de la solution DHN, et les décisions relatives à leur mise en œuvre ou non n’appartient pas aux ministères, n’y de décider des contrats signés par la Caisse nationale de santé (CNS) et l’Agence e-santé. Dans ce contexte il y a lieu de rappeler que le conseil d’administration de la CNS est à composition tripartite et que le conseil de gérance et l’assemblée générale de l’Agence eSanté sont également composés de représentants des différents prestataires, dont notamment l’AMMD. Le pouvoir décisionnel relève donc des différents organes propres de cette institution et de cet établissement dans lesquels l’État est certes représenté, mais pas le décideur exclusif.

2) Quelles sont les raisons pour lesquelles cette application dite ‘fonctionnelle’ n’est pas utilisée actuellement ?

D’après des données de la CNS, la solution DHN est actuellement utilisée par une trentaine de médecins et par les patients de ces médecins. Force est donc de constater qu’elle ne connaît pas le succès de déploiement escompté.

Les raisons du faible déploiement et utilisation de la solution DHN ne peuvent être expliquées par les ministres car il s’agit d’une relation entre médecins-clients et DHN, respectivement entre DHN et les développeurs de logiciels. Toutefois, elles ne peuvent pas être de nature financière en ce qui concerne l’assurance maladie-maternité, car les médecins sont indemnisés lorsqu’ils envoient des documents sous forme digitale en application des dispositions de la convention CNS-AMMD.

La stratégie de commercialisation et de déploiement technique relève de la responsabilité des différents offreurs de ces services. Les outils utilisés par les cabinets médicaux sont choisis par ces derniers en fonction des différentes offres disponibles sur un marché concurrentiel.

3) Est-ce qu’un accord politique pour le développement de cette application a été trouvé avec l’AMMD ?

La CNS et l’AMMD ont  trouvé un accord par rapport  à la digitalisation en général. L’accord reste neutre par rapport à l’application utilisée et a été formalisé par un avenant à la convention modifiée du 13 décembre 1993 conclue entre l’AMMD et la CNS, signé en date du 19 mai 2021. Cet avenant dispose que les médecins peuvent dorénavant envoyer leurs informations sous forme numérique, et qu’une indemnisation sera versée au médecin par document opposable à l’assurance maladie envoyé sous forme numérique.

Il s’agit d’une mesure importante accompagnée d’un engagement financier de la CNS et c’est donc un message fort qui montre l’engagement de la CNS par rapport à l’objectif d’accélérer la digitalisation dans le domaine de l’assurance maladie-maternité.

4) Pour quelles raisons, les fonctionnalités des applications existantes ont-elles été limitées ?

Il n’y a pas de limitations par rapport aux fonctionnalités existantes. Il existe bien des idées d’élargissement des fonctionnalités mais qui nécessitent des développements au sein de différentes parties prenantes. En plus, dès qu’un développeur d’applications souhaite mettre en place un échange digital de documents ou d’informations avec les instances publiques, il doit respecter des normes et standards nationaux et européens, des exigences de protection des données privées et des exigences de sécurité qui sont parfois très contraignantes dans le domaine de la santé qui est particulièrement sensible. Par ailleurs, il n’est pas exclu que certaines fonctionnalités nécessitent également une évolution du cadre légal compte tenu de la sensibilité de certaines données.

5) Qu’en est-il de l’interdépendance des applications existantes ?

Dans un flux d’informations, des interdépendances entre les applications sont inhérentes. En vue de gérer les risques qui en découlent et afin de bénéficier des nombreuses technologies existantes, le système digital doit rester, dans la mesure du possible, ouvert, accessible et agnostique. Ce principe est respecté par le développement d’une architecture qui permet de gérer l’échange digital avec plusieurs développeurs d’applications. Cette flexibilité est importante pour pourvoir bénéficier de la richesse des innovations des développeurs.

6) Quand une solution entièrement digitale sera accessible au grand public ?

Un des critères primordiaux dans la digitalisation des services de sécurité sociale, et plus précisément de l’assurance maladie-maternité, est que l’accès aux services digitaux doit être aussi accessible que possible, pour garantir un accès équitable et éviter une fracture digitale.

En ce qui concerne la solution DHN, celle-ci est déjà accessible au grand public. Au-delà de la solution DHN, un deuxième acteur développe actuellement également sa solution digitale qui devrait être accessible au courant de l’année 2023, qui doit répondre aux mêmes contraintes techniques et légales que la solution DHN.

Plus globalement, les différentes institutions de sécurité sociale travaillent étroitement avec les services du portail MyGuichet.lu pour que de plus en plus de démarches soient accessibles sur ce portail, augmentant ainsi davantage l’accessibilité aux services digitaux des institutions de sécurité sociale.

7) Est-ce qu’une promotion des applications est prévue pour contrer le chiffre limité d’utilisateurs.

En ce qui concerne la promotion d’une application ou solution digitale auprès les médecins-utilisateurs, celle-ci relève de la responsabilité de chaque offreur d’application au Luxembourg. L’offre de services informatiques et d’applications aux cabinets médicaux, à l’instar de celle fournie aux pharmacies et aux laboratoires d’analyse médicales, est prestée par des entreprises privées sur un marché concurrentiel. Dans ce cas d’espèce, la promotion relève donc de la société DHN s.à.r. l. .

En ce qui concerne la promotion de l’application auprès des assurés-utilisateurs, celle-ci relevé bien étendu aussi des différentes institutions de sécurité sociale, de l’Agence eSanté et des ministères concernés.

Il va de soi que les différents ministères concernés promeuvent la digitalisation d’une manière générale auprès des différents groupes d’utilisateurs. C’est d’ailleurs avec cet objectif que, entre autres mesures, une conférence de presse a eu lieu en date du 21 octobre 2021, dans laquelle les ministres, le président de la CNS et le président de l’AMMD, ont conjointement présenté les avancées en matière de digitalisation[1]. La CNS a également développé une campagne intitulée « CNS goes digital » pour promouvoir et expliquer la démarche entamée (https://cns.public.lu/fr/assure/cns-goes-digital/faq.html)

8) Lors d’une interview dans le « Tageblatt » du 15 septembre dernier, le président de la CNS a affirmé travailler à des solutions digitales prometteuses. Quelles entités sont impliquées dans le développement de ces solutions ? Quelle est la plus-value de l’application développée par la société DHN ? »

Le service informatique des organismes de sécurité sociale est mutualisé au sein du service informatique du Centre commun de la sécurité sociale. La CNS ne dispose pas de sa propre équipe informatique. Pour tout développement informatique, elle fait donc appel au CCSS, mais également à l’Agence nationale des informations partagées dans le domaine de la santé, communément appelée « Agence eSanté », en tant qu’exploitant de la plateforme électronique nationale d’échange et de partage de données de santé, communément appelée « plateforme eSanté », ou encore au Centre des technologies de l’information de l’État (CTIE), notamment pour partager des documents sur MyGuichet et des démarches digitales. Pour des applications métiers plus spécifiques, la CNS fait appel à des prestataires privés sur base de soumissions publiques.

En ce qui concerne la plus-value de la solution DHN s.à r.l., il n’appartient pas aux ministres de se prononcer sur une quelconque plus-value d’une société commerciale.

En ce qui concerne globalement la plus-value d’une digitalisation dans les domaines de l’assurance maladie-maternité et de la santé, il est renvoyé à la conférence de presse et à la campagne de la CNS précitées.


[1] https://mss.gouvernement.lu/fr/actualites.gouvernement%2Bfr%2Bactualites%2Btoutes_actualites%2Bcommuniques%2B2021%2B10-octobre%2B21-schneider-lenert-assurance.html

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