Depuis des mois, le pays est sous le signe de la crise Covid et le secteur de la santé sous une grande tension. La pandémie a prouvé qu’il existe une grande solidarité à tous les niveaux de notre société et que nous avons pu réagir rapidement aux défis de la crise.
Durant la période de mars à mai, notre système de santé s’est caractérisé par une forte dynamique entre tous les acteurs. Il est clair que la compétence et l’engagement de chacun font toute la différence dans un bon système de santé. Les structures ne sont qu’un moyen d’arriver à ses fins.
Le fossé, qui s’était élargi au fil des années, a été temporairement surmonté. Les hôpitaux ont collaboré de manière directe – entre eux et avec les autorités. Le personnel de santé a été directement impliqué dans les discussions élémentaires et a ainsi pu contribuer à prendre les bonnes décisions. Les médecins – avec leur grande expertise et leur contact direct avec les patients – sont enfin et à nouveau directement impliqués dans les processus de décision.
Au niveau des Soins primaires aussi l’engagement était grand. Les Centres de Soins avancés (CSA) – en tant que premier point de contact pour les patients – ont joué un rôle central dans la gestion de la crise. Tout comme les urgences dans les hôpitaux, les stations Covid et la réanimation où les médecins et le personnel de santé ont soigné les patients 24 heures sur 24.
La crise a également révélé les facettes de notre système de santé qui doivent être améliorées. Dans les années 90, les politiciens jugeaient juste de concentrer les soins de santé, dans une large mesure, sur les hôpitaux. Cela présente des avantages pratiques et est également intéressant financièrement pour le système de notre sécurité sociale: en centralisant les heures de consultation, les radiographies, les opérations et les soins de suivi, tous les services, sont proposés au patient en un point central – dans un cadre financier préalablement défini – qui permet ainsi de maîtriser les coûts.
Au fil des années cependant, il est devenu de plus en plus difficile pour les patients d’accéder à ces services. A commencer par l’accès aux hôpitaux, qui n’est nulle part satisfaisant. Il y a aussi des problèmes de rendez-vous, notamment pour divers examens comme l’IRM. Ici la faute revient à l’économie planifiée, qui limite le nombre de machines et d’appareils via un budget, sans tenir compte des progrès médicaux.
Il y a aussi une pénurie de jeunes médecins. Le métier est fascinant en soi, mais les nombreuses années d’études et les conditions de travail découragent de plus en plus de jeunes. Aujourd’hui, les soins médicaux au Luxembourg sont garantis par moins de médecins que nulle part ailleurs dans le monde. Il y a de moins en moins de médecins qui doivent travailler de plus en plus pour soigner leurs patients. Ainsi, les délais d’attente pour un rendez-vous seront de plus en plus longs.
La crise a clairement démontré qu’une approche purement hospitalière n’est pas le bon concept pour offrir à nos patients une médecine accessible et de pointe dans le futur. Parce que les structures ne sont qu’un moyen pour arriver à ses fins, il faut se demander si les structures hospitalières sont toujours fonctionnelles.
La façon dont nos hôpitaux sont conçus – et parce que différentes personnes s’y croisent sans cesse – ils ont dû être fermés à pratiquement tous les patients (sauf ceux atteints de Covid) entre mars à mai. Seuls des soins d’urgence rudimentaires ont pu être maintenus. Cela signifie qu’aujourd’hui de nombreux patients sont en attente de leurs examens, diagnostics et traitements.
Il faut donc un système qui – en plus des hôpitaux – reconnaisse correctement la valeur des soins primaires et prévoie également des structures ambulatoires. Celles-ci doivent être organisées de manière décentralisée – au plus près des populations – et surtout offrir un meilleur accès. En plus des consultations, le patient doit également avoir accès aux radiographies, aux scanners, à l’IRM et à l’endoscopie. Il aurait été possible de proposer des soins « normaux » et de haute qualité, même en temps de crise. Cela aurait également permis d’éviter les dommages parfois effrayants que nous constatons aujourd’hui chez nos patients. Un tel système aurait également eu d’autres avantages: par une prise en charge visible, accessible et ambulatoire qui aurait complété l’offre spécialisée et hospitalisée dans les hôpitaux.
La crise n’est pas finie. Les récents chiffres de Covid doivent nous alarmer. Il faut compter avec une nouvelle vague en automne qui peut être plus importante et plus compliquée que celle du printemps. Par conséquent, certaines considérations – telles que la concentration des patients Covid dans une structure spécifique – doivent être poursuivies.
En tout cas, la crise a mis au premier plan un certain nombre d’éléments de discussion sur l’organisation de notre système de santé qui ne peuvent plus être ignorés.
Philippe Wilmes (39 ans) est médecin en chirurgie orthopédique et traumatologue. Le membre du DP signe le premier article blog du nouveau DP Magazin.