« Depuis le retour au pouvoir des talibans en Afghanistan, une crise économique et sociale s’abat sur le pays et la situation de vie pour la population ne cesse de se détériorer. Face à un régime oppressif, et face à une sécheresse qui force les habitants à quitter leurs villages, l’Afghanistan connaîtrait, selon l’ONU, « la pire crise humanitaire de son histoire contemporaine ».
Face à leur situation désespérée, d’après des nouvelles récentes, plus en plus d’Afghans auraient recours à la vente d’un de leur reins, faute de pouvoir se nourrir ou assurer la survie de leur famille. Les reins, à leur tour, sont alors vendus vers l’Iran ou dans la région où la demande serait élevée.
En outre, et alors que ce phénomène existait déjà avant le retour des talibans, plus en plus d’Afghans vendraient également leurs enfants. À mesure que la crise économique s’aggrave, beaucoup d’Afghans ne verraient plus d’autres moyens, face au risque de voir leurs enfants et leur famille affamés.
Dans ce contexte, j’aimerais poser les questions suivantes à Monsieur le Ministre des Affaires étrangères et européennes et à Monsieur le Ministre de la Coopération et de l’Action humanitaire :
- Messieurs les Ministres, sont-ils au courant de la vente de reins actuellement pratiquée en Afghanistan et due à la situation économique dans le pays ?
- Messieurs les Ministres, sont-ils au courant de la vente des fils et fillettes des parents afghans, ventes exercées dans le seul but d’assurer la survie de membres de famille ?
- Dans l’affirmative, les Ministres peuvent-ils confirmer si des interventions au niveau de la politique étrangère, européenne et humanitaire sont prévues sur les lieux pour remédier la situation et lesquelles ?
Monsieur le Ministre de la Coopération et de l’Action humanitaire peut-il aviser combien d’aides ont déjà été déployées pour soutenir les concernés de la situation humanitaire en Afghanistan ? Des aides supplémentaires sont-elles prévues ?»
Reply:
1. Messieurs les Ministres, sont-ils au courant de la vente de reins actuellement pratiquée en Afghanistan et due à la situation économique dans le pays ?
Le Ministère des Affaires étrangères et européennes est au courant de rapports officieux mentionnant cette pratique.
2. Messieurs les Ministres, sont-ils au courant de la vente des fils et fillettes des parents afghans, ventes exercées dans le seul but d’assurer la survie de membres de famille ?
Le rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur la situation en Afghanistan et ses conséquences pour la paix et la sécurité internationales, soumis au Conseil de sécurité, le 28 janvier 2022, documente diverses formes d’exploitation ou d’infractions à l’encontre d’enfants afghans, telles que la traite, la vente d’enfants, l’enrôlement et l’utilisation d’enfants par les forces armées ainsi que le travail des enfants. Selon la Direction générale pour la protection civile et les opérations d’aide humanitaire européennes de la Commission européenne (ECHO), le recours à des stratégies d’adaptation extrêmes, y compris la vente d’enfants, n’est malheureusement pas nouveau en Afghanistan ; ce phénomène ayant déjà été observé pendant la sécheresse de 2018. Or, des rapports du terrain indiquent que la pratique a atteint une ampleur sans précédent.
3. Dans l’affirmative, les Ministres peuvent-ils confirmer si des interventions au niveau de la politique étrangère, européenne et humanitaire sont prévues sur les lieux pour remédier la situation et lesquelles ?
En vue de lutter contre la vente d’enfants en Afghanistan, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR), un des partenaires principaux de l’Action humanitaire luxembourgeoise, travaille, en étroite collaboration avec les autres acteurs internationaux actifs dans les domaines de la protection des mineurs et de la lutte contre les violences basées sur le genre, en vue de coordonner ses interventions en matière de protection des mineurs et de mariages forcés. Des stratégies au niveau national sont mises en œuvre pour lutter entre autres contre les mariages forcés, notamment par le biais de campagnes de sensibilisation et d’éducation destinées aux communautés et dirigeants religieux ou encore à travers le soutien des femmes et enfants à besoins spécifiques. En outre, l’UNHCR soutient le Child Protection Action Network qui vise la mise en place de mécanismes communautaires de lutte contre les mariages forcés.
Au niveau de l’Union européenne, le portefeuille de protection d’ECHO en Afghanistan couvre un large éventail d’interventions de protection y inclus la prévention de, et la réponse à, la violence basée sur le genre et aux violations de la protection des enfants, la prévention de la torture et de violations du droit international humanitaire. Ces interventions visent à lutter contre des pratiques liées à des stratégies d’adaptation extrêmes, telles que la vente d’enfants.
Etant donné que ces stratégies de survie sont intimement liées au manque d’accès aux besoins fondamentaux, il s’agit de les intégrer dans une approche visant à réduire la nécessité pour les personnes de recourir à ces stratégies. La crise actuelle en Afghanistan est aggravée par la rupture du système de paiement formel et le manque de liquidités dans le pays. Pour y remédier, le Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies (OCHA) a annoncé la création d’une facilité humanitaire d’échange de devises « Humanitarian Exchange Facility » qui vise à injecter des dollars dans l’économie afghane et de garder en vie un système bancaire limité. Il est prévu que le mécanisme soit opérationnel à partir de la fin du mois de février 2022. A côté des problèmes de liquidités dans le pays, à peu près 9,5 milliards USD restent actuellement gelés en raison de contraintes légales, notamment dans le contexte des attaques du 11 septembre 2001 à New York. OCHA étudie des moyens de débloquer ces avoirs afin de pouvoir financerdes services sociaux de base, notamment pour ce qui est du Fonds d’affectation spéciale pour la reconstruction de l’Afghanistan (ARTF).
Le Luxembourg salue l’adoption par le Conseil de sécurité des Nations Unies, le 22 décembre 2021, d’une résolution en vertu de laquelle l’aide humanitaire apportée à l’Afghanistan n’est pas considérée comme une violation du régime de sanctions visant des entités liées aux Talibans. Le Luxembourg s’est engagé dans les enceintes du Conseil de l’Union européenne en faveur d’une transposition rapide de cette résolution, qui s’est matérialisée en début d’année. Il s’agit d’une étape importante pour éviter tout impact négatif des sanctions sur la population afghane.
La Coopération luxembourgeoise soutient ses partenaires dans ces efforts en contribuant à l’amélioration des moyens de subsistance durables et résilients en faveur des familles les plus pauvres et démunies, en vue de remédier à la situation économique désastreuse qui pourrait, entre autres, pousser des familles à avoir recours à des pratiques telles que visées par les questions 1 et 2.
4. Monsieur le Ministre de la Coopération et de l’Action humanitaire peut-il aviser combien d’aides ont déjà été déployées pour soutenir les concernés de la situation humanitaire en Afghanistan ? Des aides supplémentaires sont-elles prévues ?
Lors de la conférence internationale sur l’Afghanistan en novembre 2020, le Luxembourg s’est engagé à soutenir les programmes humanitaires et de développement à hauteur de 2.500.000 EUR en 2021. Compte tenu des événements survenus dans le pays en août 2021, le Luxembourg a augmenté son engagement en faveur de l’Afghanistan pour fournir un total d’à peu près 8.110.000 EUR en matière d’aide d’urgence et de coopération au développement en 2021, éléments repris dans la réponse à la question parlementaire n° 5145 du 25 octobre 2021.
Sur le plan humanitaire, les contributions de 2021 ont été mises à disposition pour des opérations de fourniture de nourriture du Programme Alimentaire Mondiale (PAM) à hauteur de 500.000 EUR ; les activités du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) au profit des personnes déplacées en Afghanistan et dans ses pays voisins à hauteur de 1.000.000 EUR ; et les opérations du Comité International de la Croix-Rouge (CICR), notamment en matière de santé de base et de protection, à hauteur de 1.000.000 EUR. En outre, la Fédération Internationale de la Croix-Rouge (FICR) s’est vue accorder un apport de 500.000 EUR pour ses opérations en Afghanistan. Le Fonds Humanitaire commun pour l’Afghanistan, géré par le Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies (OCHA), a été soutenu avec 350.000 EUR, et la Fondation Caritas Luxembourg a été soutenue avec 232.000 EUR pour ses programmes de lutte contre la tuberculose et d’aide d’urgence pour les personnes déplacées par le conflit.
En matière de relèvement précoce, une enveloppe de 1.000.000 EUR a été accordée à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) afin de promouvoir et améliorer les moyens de subsistance durables et résilients parmi les ménages les plus vulnérables et les plus exposés à l’insécurité alimentaire. Un soutien financier à hauteur de 1.000.000 EUR a été accordé pour des activités en matière d’eau, d’assainissement et d’hygiène mises en œuvre par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). En outre, un programme d’amélioration des services de santé de base et de nutrition, mis en œuvre par la fondation Aga Khan / PATRIP, a été financé à hauteur de plus de 530.000 EUR en fin d’année 2021.
Dans le but de prévenir toute dégradation supplémentaire de la situation humanitaire en Afghanistan, une contribution à hauteur de 2.000.000 EUR a été accordée au Fonds d’affectation spéciale pour l’Afghanistan (ABADEI) géré par le Programme des Nations Unies pour le développement (UNDP), visant entre autres la fourniture de services essentiels et le renforcement des moyens de subsistance communautaires.
Pour l’année 2022, une enveloppe indicative de 4.000.000 EUR à des fins d’aide d’urgence en Afghanistan est envisagée. S’y ajoutent les engagements pris avec la FAO pour 2022 à hauteur de 1.000.000 EUR. Des engagements supplémentaires en matière d’aide humanitaire d’urgence et de relèvement précoce sont également envisagés pour 2022.