« Suivant un doublement du prix du gaz naturel liquéfié, carburant le plus utilisé pour les voitures dans une grande partie du pays, des révoltes ont commencé en début janvier 2022 au Kazakhstan. Le pays étant riche en ressources naturelles, la colère initialement économique a fini par prendre une dimension politique dont les manifestations ont déclenché l’état d’urgence et causé la démission du gouvernement kazakh.
Déclarant les violences d’attaque terroriste, le président Tokaïev a demandé l’intervention de l’Organisation du traité de sécurité collective (« OTSC ») pour rétablir le contrôle sur place. À travers les médias internationaux, des rapports et des images d’émeutes brutales ont surgis. Les articles ainsi que des rapports d’organisations non-gouvernementales rapportent de personnes brutalisées, disparues et de plus de 8000 personnes arrêtées ou enfermées par les autorités kazakhs. Plus de 225 personnes seraient mortes à la suite des troubles.
Le président kazakh aurait refusé jusqu’à récemment des enquêtes indépendantes sur les événements en janvier. Fin janvier, une commission d’enquête aurait été créée pour procéder à une évaluation et s’occuper des victimes.
Dans ce contexte, nous aimerions poser les questions suivantes à Monsieur le Ministre des Affaires étrangères et européennes :
- Monsieur le Ministre, comment évalue-t-il l’intervention de OTSC menée par la Fédération de Russie sur le territoire kazakh ? Peut-elle être considérée comme une tentative de la Russie à une extension de leur influence dans la région ?
- Monsieur le Ministre, estime-t-il opportun que des gouvernements de pays membres de l’OSCE interviennent de manière tellement brutale envers une population dans le contexte de manifestations ?
- Est-ce que les pays membres de l’OSCE auront accès aux rapports de la commission d’enquête établie pour évaluer les événements en janvier ?
Selon les conclusions que tirera la commission d’enquête à la fin de leur investigation, quelles pourront être des conséquences pour le gouvernement au Kazakhstan ? »
REPONSE
- Monsieur le Ministre, comment évalue-t-il l’intervention de OTSC menée par la Fédération de Russie sur le territoire kazakh ? Peut-elle être considérée comme une tentative de la Russie à une extension de leur influence dans la région ?
L’intervention de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) est survenue à la demande du président de la République du Kazakhstan, M. Kassym-Jomart Tokaïev. La rapidité de l’intervention de l’OTSC, dont le contingent militaire déployé était principalement composé de troupes russes et de quelques centaines de soldats biélorusses, arméniens, tadjiks et kirghiz, témoigne certainement aussi des relations étroites qu’entretiennent la Russie et le Kazakhstan sur le plan diplomatique et sécuritaire. M. Tokaïev et le président russe Poutine se rejoignent également dans leur justification de l’intervention de l’OSTC, avançant que le mouvement populaire à l’origine des manifestations aurait été instrumentalisé par un soutien extérieur de nature terroriste, et soulignant que l’OTSC ne tolérera plus de « révolution de couleur » dans ses pays membres.
- Monsieur le Ministre, estime-t-il opportun que des gouvernements de pays membres de l’OSCE interviennent de manière tellement brutale envers une population dans le contexte de manifestations ?
Ensemble avec ses partenaires de l’Union européenne, le Luxembourg a exprimé ses préoccupations par rapport à la violence qui a éclaté après la tenue de manifestations pacifiques au Kazakhstan par le biais de la déclaration du Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, M. Josep Borrell, le 8 janvier 2022, ou encore à travers l’intervention de l’Union européenne au Conseil permanent de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) du 20 janvier 2022, où le ministre des Affaires étrangères kazakh, M. Mukhtar Tileuberdi, a informé les Etats parties de la situation dans son pays. L’ordre du président Tokaïev du 7 janvier 2022 de « tirer pour tuer » a été fermement condamné par la communauté internationale. Conformément à la Déclaration commémorative d’Astana, établie en 2010 sous la présidence-en-exercice kazakhe de l’OSCE, le Kazakhstan, ainsi que tous les Etats parties à cette organisation, se sont engagés à agir en pleine adéquation avec la Charte des Nations Unies et l’ensemble des normes, principes et engagements de l’OSCE établis depuis l’Acte final d’Helsinki. A cet égard, le Luxembourg rappelle que le Kazakhstan se doit de respecter l’État de droit et ses obligations en matière de droits de l’homme, y compris le droit fondamental de manifester pacifiquement et la liberté des médias.
- Est-ce que les pays membres de l’OSCE auront accès aux rapports de la commission d’enquête établie pour évaluer les événements en janvier ?
Le Kazakhstan a rejeté toute demande d’enquête internationale et les Etats participants de l’OSCE ne participent donc pas à la commission d’enquête établie par le gouvernement du Kazakhstan. Le gouvernement du Kazakhstan a toutefois annoncé que les résultats de la commission d’enquête seraient partagés avec la communauté internationale.
- Selon les conclusions que tirera la commission d’enquête à la fin de leur investigation, quelles pourront être des conséquences pour le gouvernement au Kazakhstan ?
En l’attente de la publication des résultats préliminaires de la commission d’enquête par les autorités kazakhes, il est difficile d’anticiper d’éventuelles conséquences pour le gouvernement au Kazakhstan.
Luxembourg, 11 mars 2022.
Le Ministre des Affaires étrangères et européennes
(s.) Jean Asselborn