« Selon des informations du ministère de défense russe 307.000 mineurs ukrainiens auraient été déplacés par force en Russie depuis l’invasion de l’Ukraine afin d’éradiquer l’identité ukrainienne. Ces transferts se feraient vers des lieux comme Mourmansk, le Kamtchatka ou la frontière nord-coréenne. Les mineurs concernés risquent d’être adoptés par des familles russes, d’autant plus que des décrets signés récemment par le président Poutine facilitent une telle adoption. Une loi votée le 7 juin permet à la Fédération de Russie d’ignorer les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme. De surcroît, les enfants nés après le 24 avril dernier dans des territoires occupés par l’armée russe acquièrent automatiquement la nationalité russe.
Dans ce contexte, j’aimerais poser les questions suivantes à Monsieur le Ministre des Affaires étrangères et européennes :
- ?
- Dans l’affirmative, quelle est la position du Gouvernement luxembourgeois face à ce déplacement forcé de mineurs ?
- Sachant que la Russie n’a pas ratifié la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, comment les gouvernements européens et d’autres démocraties peuvent intervenir afin d’exiger de la Russie la libération des enfants déportés ?
- Est-ce que cette violation grave de droits d’enfants ne constitue pas une raison supplémentaire pour justifier des sanctions encore plus sévères envers la Russie ?
- Est-ce que, conformément à l’article II de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, cette déportation ne doit pas être qualifiée de génocide ?»
Réponse
Est-ce que M. le Ministre peut confirmer cette « russification » d’enfants ukrainiens ?
En effet, le 18 juin 2022, le ministère russe de la Défense a déclaré que 307.000 mineurs ukrainiens ont été déplacés en Russie. Amnesty international ainsi que l’ONU ont confirmé que des civils ukrainiens ont été transférés vers la Russie par des camps de filtration dans les zones occupées.
Alors que les différentes agences de l’ONU se montrent préoccupées et le UNHCR a créé un „Regional Child Protection Sub-working Group” pour surveiller la situation des enfants et réfugiés mineurs dans le contexte de la guerre en Ukraine, aucune agence onusienne n’a affirmé disposer de preuves sur une éventuelle pratique systématique de déportation forcée d’enfants de la part de la Russie, notamment avec l’objectif « d’éradiquer l’identité ukrainienne ».
En raison du manque de transparence de l’information et de la restriction de la liberté de la presse en Russie, il ne nous est pas possible de vérifier ces chiffres ou d’enquêter sur la tentative russe de pratiquer « une russification » des enfants par un examen indépendant non plus.
Sachant que la Russie n’a pas ratifié la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, comment les gouvernements européens et d’autres démocraties peuvent intervenir afin d’exiger de la Russie la libération des enfants déportés ?
La Russie a signé la Convention le 7.9.2000, mais ne l’a ni ratifié, ni accédé à celle-ci. Une intervention ne peut donc être envisagée que par voie diplomatique ou politique.
Est-ce que cette violation grave de droits d’enfants ne constitue pas une raison supplémentaire pour justifier des sanctions encore plus sévères envers la Russie ?
Jusqu’à présent, nous avons pris six paquets de sanctions contre la Russie au niveau européen, visant à saper la capacité du Kremlin à financer la guerre en Ukraine et d’infliger des coûts économiques et politiques patents à l’élite politique russe responsable de l’invasion. Récemment, nous avons soutenu la proposition de suspendre l’accord de facilitation de visas avec la Russie au niveau européen. Nous sommes ouverts à discuter un septième paquet de sanctions et notre politique de visa à l’égard de la Russie.
Est-ce que, conformément à l’article II de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, cette déportation ne doit pas être qualifiée de génocide ? »
Cette question est précédée de certaines questions juridiques qui doivent d’abord être soigneusement analysées : les termes de « déplacements forcés » ou « déportés » ne font aucune nuance entre les situations des victimes. Or il existe une grande différence entre ceux qui ont dû fuir et qui n’avaient d’autre choix que de se déplacer vers l’Est et ceux qui ont été arrêtés, voire peut-être enlevés et mis dans des camps ou déportés de force.
Le constat est similaire concernant le concept des « enfants déportés ». Est-ce que le chiffres de 307 000 inclut ceux qui accompagnent leurs parents en fuite, des orphelins ayant perdu leurs parents pendant la guerre (mineurs non-accompagnés) ou des enfants enlevés de force des institutions étatiques par les russes? Comme il n’est pas possible de procéder à un examen indépendant des preuves ainsi que d’assurer une collecte de données fiable à l’égard des déportations supposé, une telle évaluation doit être reportée à plus tard lorsque le temps et les circonstances le permettent.