Un mois après l’invasion par l’armée russe, plus de 3,6 millions de personnes ont quitté l’Ukraine. La majorité des réfugiés sont des femmes et des enfants. Selon Europol, ces femmes et mineurs sont la cible de groupes criminels organisés tout au long de leur trajet.
Dans ce contexte, j’aimerais poser les questions suivantes à Madame et Messieurs les Ministres :
- Madame et Messieurs les Ministres ont-ils connaissance de réfugiés ukrainiens devenus victimes de la traite des êtres humains ?
- Quelles mesures ont été mises en place pour garantir la sécurité des réfugiés ?
- De quelle manière les initiatives privées d’accueil sont-elles encadrées pour renforcer la protection des réfugiés ?
- Existe-t-il des mesures de prise en charge spécifiques pour venir en aide aux victimes de la traite des êtres humains ?
- Comment les autorités luxembourgeoises coopèrent-elles avec des États partenaires en la matière ?
Réponse
Ad 1.) :
A l’heure actuelle, la Police grand-ducale n’a pas connaissance de l’existence de victimes de la traite des êtres humains parmi les personnes fuyant la guerre en Ukraine et n’a pas été chargée d’une enquête judiciaire dans ce contexte.
Ad 2.) :
Le Comité de suivi de lutte contre la traite des êtres humains a dès le début du conflit ukrainien adopté plusieurs mesures de prévention et ceci dans le but de réduire tout risque d’exploitation.
Ainsi un communiqué conjoint[1] du Ministère de la Justice, du Ministère des Affaires étrangères et européennes ainsi que du Ministère de la Famille, de l’Intégration et à la Grande Région a été publié en date du 25 mars 2022 afin de sensibiliser aux risques encourus par les personnes fuyant la guerre en Ukraine de devenir victimes d’exploitation et de traite des êtres humains.
Ce communiqué contient notamment des informations sur les mesures mises en place dans un premier temps, telle que la distribution d’un dépliant en ukrainien, dont l’objectif est d’informer les victimes potentielles sur leurs droits ou la mise à disposition d’une brochure d’information sur le droit du travail.
Ces informations sont amplifiées par un « pop-up » sur le site www.stoptraite.lu s’adressant en langue ukrainienne aux victimes potentielles.
Des représentants du comité de suivi ainsi que d’autres acteurs concernés ont eu des échanges avec les administrateurs de plusieurs pages facebook à destination des personnes fuyant la guerre en Ukraine afin de les sensibiliser sur le risque d’annonces et de publications malveillantes.
Finalement une formation accélérée sur support audiovisuel est disséminée le plus largement possible, notamment à l’attention de tous les nouveaux collaborateurs chargés de l’accueil des personnes fuyant la guerre en Ukraine.
Ad 3.) :
Suite à la vague de solidarité déclenchée par l’afflux de personnes fuyant la guerre en Ukraine, le ministère de la Famille, de l’Intégration et à la Grande Région, ensemble avec Caritas Luxembourg et la Croix-Rouge luxembourgeoise, et en collaboration avec l’Office national de l’accueil, a mis en place un dispositif de mise en relation des bénéficiaires de protection temporaire avec les résidents luxembourgeois désireux de leur proposer un accueil en famille.
Les ménages privés qui souhaitent accueillir des personnes qui ont fui la guerre en Ukraine par le biais de cette initiative, doivent remplir un formulaire qui est accessible en ligne sur plusieurs plateformes. Une des associations partenaire prend ensuite contact avec les personnes pour un entretien préalable et une visite à domicile.
La visite à domicile, réalisée par des travailleurs sociaux, sert à vérifier que les conditions de logement proposées sont conformes aux normes d’hébergement définies par l’Office national de l’accueil, c’est-à-dire permettent aux personnes d’être hébergées dans des conditions dignes. Les accueillants sont également sensibilisés au sujet de la traite des êtres humains. Par ailleurs, une hotline a été instaurée pour répondre aux éventuelles questions liées à ce dispositif.
Si l’hébergement répond aux critères en vigueur, il est proposé à l’Office national de l’accueil qui organise la mise en relation de la famille d’accueil avec les bénéficiaires de protection temporaire.
Ad 4.) :
En complément aux droits des victimes d’infractions pénales, toute personne identifiée comme victime de la traite des êtres humains, quelle que soit notamment son sexe, âge, pays d’origine (UE ou pays tiers), pays d’exploitation ou motif de la traite, a le droit à assistance et à protection conformément aux dispositions légales suivantes :
- loi modifiée du 8 mai 2009 sur l’assistance, la protection et la sécurité des victimes de la traite des êtres humains ;
- loi du 9 avril 2014 renforçant le droit des victimes de la traite des êtres humains.
En vue de leur rétablissement physique, psychologique et social, les victimes de la traite se voient accorder notamment :
- un hébergement, une assistance sociale et socio-éducative, une assistance matérielle et financière, une assistance médicale, psychologique ou thérapeutique, selon leurs besoins ;
- une assistance linguistique, le cas échéant ;
- une assistance juridique conformément aux conditions de la législation afférente ;
- pour les ressortissants d’un pays tiers en séjour irrégulier: un sursis à l’éloignement suivi d’un titre de séjour provisoire sous certaines conditions (Article 92 et 93 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration).
Le Service de Police Judiciaire, spécialisé en matière de protection des victimes, peut intervenir à toute heure (24/7) afin de mettre en place les mesures de protection et d’assistance pour les victimes identifiées de la traite. Ce service travaille en étroite collaboration avec l’ONG « INFOTRAITE » accréditée en matière de traite.
Pour ce qui est spécifiquement des victimes mineures, ces dernières bénéficient, en plus de la loi modifiée du 8 mai 2009 sur l’assistance, la protection et la sécurité des victimes de la traite des êtres humains, des dispositions de la loi modifiée du 10 août 1992 relative à la protection de la jeunesse. En dehors des heures de bureau, les services de la Police contactent directement un foyer stationnaire pour mineurs qui accueille en urgence et à tout moment le mineur en besoin.
Selon la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, la victime mineure entrée sur le territoire luxembourgeois sans être accompagnée d’un majeur responsable, se voit désigner dès que possible un administrateur ad hoc qui l’assiste dans le cadre de la procédure, y compris, si nécessaire, dans le cadre de la procédure pénale.
Ad 5.) :
Au niveau européen le Luxembourg participe activement à des réunions spécifiquement organisées par la coordinatrice européenne de la lutte contre la traite des êtres humains et ayant pour but de coordonner des mesures européennes afin de lutter contre le risque d’exploitation des personnes fuyant la guerre en Ukraine. Le Luxembourg y est représenté par le Ministère de la Justice en tant que coordinateur national de la lutte et par la Commission consultative des Droits de l’Homme en sa qualité de rapporteur national. Dans le cadre de la Présidence Benelux, le Luxembourg a également abordé le sujet au sein du groupe de travail « traite des êtres humains » et a notamment échangé des bonnes pratiques avec la Belgique et les Pays-Bas.
[1] https://gouvernement.lu/fr/actualites/toutes_actualites/communiques/2022/03-mars/25-sensibilisation-risques-ukraine.html